En Côte d’Ivoire, le secteur de la santé est menacé par une prolifération inquiétante de cliniques illégales. Selon les estimations officielles, près de 80% des 3 000 établissements privés exercent en dehors de tout cadre réglementaire, soumettant les Ivoiriens à des soins de santé clandestins.
Ces cliniques clandestines, souvent installées dans des locaux insalubres et équipées de matériel médical défectueux, sont tenues par des personnes non qualifiées. Les risques encourus par les patients sont multiples, infections nosocomiales, erreurs médicales, utilisation de médicaments contrefaits ou encore faux diagnostiques.
De nombreux scandales ont d’ailleurs mis en lumière la dangerosité de ces pratiques, comme la mort d’une femme ayant accouché dans des conditions sanitaires inadéquates ou, la découverte de cabinets médicaux où des faux médecins délivraient de faux médicaments.
Les raisons de cette situation sont complexes. La faiblesse des contrôles et la demande croissante de soins ont alimenté ce phénomène. Par ailleurs, la rémunération des professionnels de santé dans le secteur public étant souvent insuffisante, certains médecins et infirmiers ont été tentés de compléter leurs revenus en ouvrant leur propre établissement.
Face à cette situation alarmante, l’Etat ivoirien a lancé l’opération « zéro clinique illégale en 2025 », prenant la forme d’une campagne de contrôle des établissements privés sur le territoire. En 2023, « plus de 500 structures ont été régularisées », se félicite Marie-Josèphe Bitty, cheffe de la Direction des établissements privés et des professions sanitaires (DEPPS) (structure du ministère de la santé chargée d’assainir le secteur) ; L’organisme assure avoir déjà inspecté 80 % du territoire et fermé ou mis en demeure plus de 1 000 établissements.
Cependant, la lutte contre les cliniques illégales à travers la fermeture de ces établissements risque de créer un vide sanitaire dans certaines régions, notamment en zones rurales, où l’accès aux soins est déjà difficile. Il est donc essentiel de mettre en place des solutions alternatives pour garantir la continuité des soins à ces populations. D’après les chiffres officiels de 2023, « 20 % des Ivoiriens vivent dans un désert médical ». Sans solution de substitution, les malades situés dans des zones reculées pourraient se retrouver dépourvus de toutes alternatives, légales ou non.
Pour y remédier, le gouvernement a annoncé un plan d’extension du réseau de santé publique, avec la construction et la réhabilitation de nombreux établissements sanitaires. Par ailleurs, une nouvelle législation a été adoptée pour renforcer le cadre réglementaire des professions de santé et lutter contre l’exercice illégal.
Dans son plan national de développement sanitaire 2021-2025, la Côte d’Ivoire s’est donné pour objectif de construire 200 établissements sanitaires de premier contact (ESPC) et d’en réhabiliter 447, espérant ainsi remplacer les cliniques privées illégales par des structures contrôlées.
Afin de mieux encadrer le personnel soignant et limiter les dérives, les députés ivoiriens ont adopté le 22 octobre 2024, un nouveau code de déontologie des professions d’infirmier et de sage-femme. Le texte précise le champ de compétences, les droits et les devoirs de chaque profession dans le but de « favoriser une pratique professionnelle consciencieuse ». (Source : DEPPS ; Le Monde)