Les pays de la sous-région ouest-africaine peuvent-ils relever le défi de la sécurité alimentaire dans un contexte de dérèglement climatique qui affecte les productions agricoles ?
Le dérèglement climatique est l’un des facteurs qui affecte la sécurité alimentaire dans la sous-région. Il faut aussi noter les conflits et le faible niveau de modernisation et de compétitivité de l’agriculture dans la sous-région. Malheureusement, les derniers chiffres du cadre harmonisé prévoient environ 52 millions de personnes en état d’insécurité alimentaire pendant la période de soudure de juillet à août 2024. Bien que cette équation ne soit pas impossible à résoudre dans certains pays, il faut observer certaines conditions essentielles : disposer de techniques et de technologies innovantes d’adaptation au changement climatique telles que les variétés résistantes, l’agro – écologie et l’agroforesterie, l’irrigation de précision, la digitalisation y compris du calendrier cultural, une mécanisation adaptée etc. A tout ceci il faut ajouter la disponibilité des parcelles de terre, de l’eau et avoir de bonnes semences. », indique Dr Guei Gouantoueu, Directeur Afrique de l’Ouest de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ce haut responsable de la FAO a livré cette information récemment au cours d’une mission sur la sécurité alimentaire au Sénégal.
Disponibilité de la terre et mécanisation
Selon Dr Guei Gouantoueu, l’une des premières conditions pour investir dans l’agriculture est la disponibilité de la terre. Ce qui implique une législation forte pour résoudre la question des nombreux conflits fonciers en Afrique de l’Ouest. « Un investisseur ne peut pas injecter son argent dans l’agriculture si un système ne lui garantit pas la copropriété de la terre sur une longue période », a-t-il rappelé.
En outre, il met l’accent sur l’importance de la mécanisation. « En 2024, il est inconcevable de voir nos agriculteurs en Afrique utiliser des houes et des machettes pour travailler. Il faudrait une véritable stratégie de mécanisation. La mécanisation ne veut pas dire acheter des tracteurs et les distribuer aux agriculteurs. Cela a été un échec dans de nombreux pays. Il faudrait plutôt avoir une stratégie de mécanisation, c’est-à-dire étudier les sols pour savoir le type de machine à utiliser, pour quelles cultures et pour quel type d’agriculteurs. Il faut penser à mécaniser toute la chaine des valeurs, depuis la préparation du sol, le semis, le désherbage, la récolte, la transformation, le conditionnement et le stockage », a-t-il indiqué.
La maitrise de l’eau
Le Dr Guei Gouantoueu rappelle également que les rendements agricoles en Afrique de l’Ouest ne sont pas élevés du fait de la forte dépendance à l’agriculture pluviale. Les nouvelles technologies et les innovations ne sont presque pas utilisées. Pour lui, la recette pour une agriculture compétitive est l’irrigation. « En Afrique, on dit que le véritable ministre de l’agriculture est la pluie. C’est un véritable problème aujourd’hui. Les pays européens et asiatiques ont développé leurs agricultures parce qu’ils ont développé des capacités à irriguer leurs agricultures couplées avec l’utilisation des intrants de qualité et les innovations. Que ce soit la petite irrigation avec des puits, les forages ou des barrages, l’irrigation est extrêmement importante. Dans le contexte actuel de changement climatique, sans irrigation, on ne peut pas parler d’agriculture compétitive », a-t-il expliqué.
La disponibilité de la semence
L’un des trois éléments importants pour la pratique de l’agriculture est la semence selon le Directeur sous-régional de la FAO : « Il faut élaborer un véritable système semencier qui fonctionne. De sorte que l’agriculteur, chaque année au moment de démarrer sa production, sache où s’orienter pour s’approvisionner en semences de qualité. »
Il invite, par ailleurs, les États à subventionner le secteur semencier. « Le secteur de la semence des cultures non hybrides largement utilisées en Afrique de l’Ouest n’est pas très rentable pour le secteur privé. Les gouvernements doivent donc s’impliquer en développant une politique semencière crédible tout en subventionnant la recherche pour garantir la disponibilité de la semence de première génération », indique-t-il.
Engagement des États à financer l’agriculture
Selon Dr Guei Gouantoueu, l’Union africaine avait recommandé aux Etats africains d’investir 10% de leur budget pour le financement de l’agriculture. Dans la pratique, cette recommandation a été très peu suivie. « Pour réaliser la sécurité alimentaire, voire la souveraineté alimentaire dans les pays africains, il faudrait compter sur nos propres ressources et surtout mettre à contribution le secteur privé. Les gouvernements doivent également soutenir le secteur agricole. Les grands pays agricoles le sont avec l’appui de leurs États. Les banques commerciales en Afrique accordent peu de crédit aux agriculteurs. Pour elles, l’agriculture est une activité à risque », a-t-il fait remarquer.
L’autre solution pour un développement agricole durable préconisé par l’Expert de la FAO est le développement des chaines de valeur agricole. « La Côte d’Ivoire est un modèle réussi pour les cultures de rente comme le cacao, le café, l’anacarde etc. Il faut pouvoir dupliquer le même modèle en Afrique de l’Ouest sur les cultures de base comme le riz, le manioc, l’igname, les cultures maraichères, le maïs etc. », a-t-il suggéré.
Enfin, le patron de la FAO en Afrique de l’Ouest recommande que la formation des jeunes aux métiers agricoles soit une priorité en vue de parvenir à une agriculture moderne et durable. « L’agriculture est une science. Il faut que celles et ceux qui envisagent d’en faire leurs métiers soient formés en vue de garantir une meilleure production », conclut Dr Guei Gouantoueu. (Source : FAO)